- AVOCAT AGRÉÉ DES TRIBUNAUX DE COMMERCE
- AVOCAT AGRÉÉ DES TRIBUNAUX DE COMMERCEAVOCAT AGRÉÉ DES TRIBUNAUX DE COMMERCELorsque l’Hexagone fut capable de respirer économiquement sur ses quatre mers: la Méditerranée, l’Atlantique, la Manche et, enfin, la mer du Nord, Michel de L’Hospital créa par ordonnances, pendant la seconde moitié du XVIe siècle, les tribunaux de commerce. C’est une institution qui n’existe dans aucun autre pays: les magistrats consulaires sont élus par leurs pairs, les commerçants, pour juger les litiges nés du commerce. L’institution a fait ses preuves et a traversé les siècles, la Révolution française la laissant intacte parce que les juges étaient élus.Devant les tribunaux de commerce, constitués de commerçants, les parties pouvaient, et devaient même à l’origine, comparaître par elles-mêmes, «afin d’être ouïes de leurs bouches». Les juges consulaires luttèrent pour écarter de leur tribunal les procureurs, avec leur chicane, et les avocats, avec leur parler «d’hébreu, de grec et de latin». Mais, comme les audiences étaient chargées (parfois, à Paris, de deux cents à trois cents plaideurs en une audience du XVIIe siècle), ils éprouvèrent la nécessité d’«agréer» des spécialistes, rompus aux usages et au droit des techniques du commerce, qui leur exposent les litiges avec clarté et sobriété; ceux-ci se virent réserver à chacun un «bureau» dans la salle d’audience, dont les huissiers audienciers, munis d’une baguette, écartaient les importuns. Ces spécialistes furent presque immédiatement désignés par un adjectif devenu substantif: les «agréés» sont mentionnés dès le milieu du XVIIe siècle dans les délibérations consulaires; ils portent à Paris, dès cette époque, un costume simple avec manteau de cour dans le dos. Le costume des agréés près le tribunal de commerce, rajeuni en habit à la française du tiers état, mais toujours agrémenté de son manteau de cour en moire noire, traversera les siècles et la Révolution jusqu’en 1972. Les agréés furent les seuls avec leur tribunal, leur structure et leur costume à traverser, sans changement, la Révolution.Dès la fin du XVIIIe siècle, la Compagnie des agréés comprenait des hommes remarquables, et l’un d’eux, devenu juge au tribunal d’appel de Paris, fut l’un des auteurs du Code de commerce de Napoléon. Comme la plupart avaient prêté serment devant une cour d’appel, avant d’être agréés par l’assemblée générale du tribunal de commerce, devant laquelle ils prêtaient de nouveau serment, ils portaient le titre d’avocat, qu’ils associèrent à celui d’agréé: c’étaient les avocats agréés. Les avocats agréés ont formé de nombreuses générations de «secrétaires» stagiaires: cette formation était particulièrement appréciée dans le monde judiciaire et le monde économique, où ils se réalisaient après leur stage.La situation privilégiée des avocats agréés, bien que sans monopole, était l’objet de jalousies et d’attaques. Le droit des tribunaux de commerce d’agréer fut contesté, mais reconnu. Les agréés de province portaient la robe: elle leur fut interdite; ils copièrent alors le costume séculaire de leurs confrères parisiens. Le titre d’avocat fut contesté aux agréés. Après l’ordonnance du 2 novembre 1945, qui rattacha les agréés au ministère de la Justice et non plus à leur tribunal de commerce, il fut décidé qu’ayant légalement un titre, celui d’agréé, ils devaient s’en contenter et n’avaient pas à s’en adjoindre d’autre. Avant l’ordonnance de 1945, le gouvernement de Vichy avait voulu reconstituer les corporations; les agréés devaient donc s’officialiser, sinon disparaître; à la Libération, en régularisant ce qui était acceptable dans les mesures de structuration adoptées par le gouvernement de Vichy, on aboutit à l’ordonnance de 1945. Ce faisant, on accéléra la «fusion» des trois professions judiciaires: avocat agréé des tribunaux de commerce, avocat et avoué, décision que le ministère de la Justice médita pendant vingt ans et que les événements de 1968 précipitèrent.Depuis le 16 septembre 1972, en application de la loi du 31 décembre 1971, il n’y a plus d’agréés, et le manteau de cour en moire noire reste accroché dans le placard. Cependant, la réforme s’est faite à l’image des agréés qui postulaient et qui plaidaient. Les avocats plaidaient et ne postulaient pas, les avoués postulaient et ne plaidaient pas. Les avocats anciens agréés plaident désormais à la cour et restent des spécialistes appréciés du droit économique.
Encyclopédie Universelle. 2012.